Mijotage et rendement thermique

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La majeure partie de la différence de rendement thermique entre une poterie en terre cuite (conducteur médiocre) et un métal (excellent conducteur) peut s’expliquer par la perte par convection, c’est à dire par le chauffage de l’air de la cuisine par les parois externes qui en retour se refroidissent. Bien entendu cette perte peut être annulée en plaçant le récipient dans une marmite norvégienne. A défaut notre cocotte se transforme en petit radiateur d’appoint, été comme hiver, de puissance variable suivant le matériau. Le refroidissement par convection naturelle ne dépend pas du matériau du récipient mais seulement de sa température extérieure et de celle de l’air ambiant, on prendra h=10 W.m-2.°C-1 et la perte s’exprime en watts (W) par :

Φ=h S (Text-Tair)

S est la surface des parois extérieures à la température Text. On prendra Tair=20°C.

Or pour maintenir constante la température du plat mijoté, ce refroidissement doit être compensé par un flux de chaleur de l’intérieur que l’on suppose à une température indépendante du matériau (autrement dit on contrôle la température du contenu) vers l’extérieur et c’est là où la nature du matériau intervient à travers sa conductivité thermique λ (cf. Wikipedia).

Φ=λ (Tint – Text) S/e

e est l’épaisseur des parois dont l’intérieur est à la température du contenu, Tint. En faisant l’égalité des 2 flux on en déduit l’expression de Text, connaissant Tint et Tair

Text=(Tint+Tair X)/(1+X) où X=he/λ

On voit immédiatement que plus la conductivité est forte plus la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur des parois est faible. Et plus la conductivité est faible plus la température extérieure des parois se rapproche de celle de l’air ambiant ce qui minimise les pertes.

En prenant e=10mm pour la poterie et 2mm pour le métal, λ=1W m-1 K-1 et 40W m-1 K-1 pour les métaux courants (de 25 pour l’inox à 100 pour la fonte) on obtient X=0,1 pour la poterie tandis que X est de l’ordre de 0,0005 pour les métaux soit 200 fois plus faible. Autrement dit la conductivité des métaux (les différences entre fonte et l’inox s’effacent) est telle que la température extérieure est autant dire la même qu’à l’intérieur, comme on pouvait s’en douter intuitivement. Tandis que pour la poterie, pour une température intérieure de 90°C, Text=83,6°C, et pour 80°C, Text=74,5°C ; les transferts à travers les parois sont tellement lents que la température extérieure est nettement inférieure à la température interne (en pratique on note une différence plus importante). Par conséquent la perte par convection devient elle aussi sensiblement différente. Pour Tair = 20°C, d’après ce calcul simplifié, la perte par la poterie est d’environ 90% de celle des métaux à 80-90°C.

Mais d’après notre pratique sur plusieurs années, le remplacement d’une cocotte en fonte par une cocotte en terre noire se traduit par une diminution de 50% de la consommation d’énergie (gaz en bouteille ne servant qu’à la cuisine) pour un usage régulier sans être exclusif. Donc le calcul simplifié précédent est encore en-deçà de la réalité et a bien du mal à rendre compte de la complexité du rendement thermique. C’est aussi cet effet qui explique la capacité des cocottes en terre à maintenir leur contenu au chaud très longtemps après avoir été retiré du feu ou du four. Les récipients en fonte compensent leur générosité à chauffer l’air ambiant par leur poids élevé qui leur permet de stocker beaucoup d’énergie thermique, tandis que les récipients en inox haut-de-gamme, nettement plus légers que ceux en fonte, comptent sur l’énergie stockée dans leur épaisse semelle pour ralentir le refroidissement.

Enfin, au toucher les différences sont encore plus grandes. Pour cela on fait intervenir l’effusivité thermique pour calculer la température de contact. Pour une cocotte en terre ayant un contenu à 80°C et comme calculé ci-dessus une température extérieure de 74,5°C, les capteurs thermiques de notre peau vont détecter une température d’environ 63°C, c’est à dire encore supportable (pratiquement le seuil de la douleur), alors qu’avec le métal qui nous paraîtra être à seulement quelques degrés en-dessous de sa température réelle, c’est la brûlure garantie. Avec la poterie, les transferts thermiques sont suffisamment lents pour qu’en pratique on puisse la manipuler à la main sans se brûler. Ce qui bien sûr ne veut pas dire que l’on puisse la tenir en main indéfiniment !

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